"Il faut pardonner"
Voilà ce que l'on entend ici et là, de façon ouverte ou détournée.
Une cliente, qui avait du mal à pardonner à son mari ses comportements, aurait souhaité lui pardonner car il était décédé. Ainsi elle m'apporta un magazine où il en était question. Cet article n'allait pas jusqu'à dire qu'il "faut pardonner", mais il était suffisamment peu clair, voir presque contradictoire, qu'à la fin le lecteur pouvait avoir compris, que quand même il vaudrait mieux faire cet effort.
Je m'insurge bien souvent, autour de propos ayant trait aux émotions, tant les rédacteurs, et parfois même les professionnels vont donner des conseils, sans détenir les connaissances suffisantes en matière d'émotions. Dans ce cas le journaliste avait glané des informations ici et là, dans la mouvance actuelle vouée au positivisme, pour laisser entendre que oui, ce n'est pas toujours possible de pardonner (quand même !), aussi qu'il y a des émotions autour de cela à exprimer (bravo quand même d'avoir dit ça), et qu'en faisant certaines méthodes, on peut y arriver.
Le souci principal de cet article et souvent des personnes qui s'expriment sur le pardon, est que tous ces gens laissent entendre, ou croient encore, que notre réflexion et notre compréhension vont pouvoir nous mener à l'objectif recherché : le pardon. Bien sûr ce n'est pas toujours dit ouvertement, car les protagonistes n'ont pas conscience de ce qui vient du corps, de ce qui vient de la tête. Ne connaissant pas l'univers des émotions, et surtout leur puissance et profondeur, ils s'imaginent qu'avec un petit effort, le mental va pouvoir diriger ce corps et ses émotions, comme ses états d'âme.
Si ces personnes parlaient honnêtement de ces sujets, ils devraient avouer au minimum, que pour eux ce n'est pas clair, et ne pas s'aventurer sur ces terrains glissants.
Car pour finir, voici ce que j'ai dit à ma cliente perplexe sur cet article, où elle avait bien lu des informations justes (exprimer ses émotions : oui, mais comment ? On ne sait pas, et là est bien l'enjeu), et d'autres informations visant à atteindre le pardon grâce à d'autres biais (alors que seule l'expression émotionnelle peut y mener éventuellement). Donc concrètement, pour cette cliente, qui avait des reproches implicites à faire à ce mari - malgré son décès -, évidemment elle avait besoin d'exprimer de la colère thérapeutique, des pleurs, et du dégoût … et comme il y a plusieurs scènes associées à cette impossibilité de pardonner, il y avait donc d'autres scènes à travailler ensuite.
Mais le plus important à retenir est qu'on ne peut pas s'obliger à pardonner, que cela vient naturellement ou pas. Et pour accélérer le processus, il est nécessaire d'exprimer toutes les émotions présentes dans la situation, dans leur intensité et de façon thérapeutique. Et parfois cela peut demander un long travail, qui peut paraître interminable (alors que l'on avance quand même vers le but pas à pas), tant les situations qui empêchent le pardon sont nombreuses, et demandent le temps de les travailler, et qu'elles viennent à notre esprit. C'était le cas de cette cliente justement. Au final, elle ne pouvait pas encore pardonner - il restait du travail à faire -, ce qui peut aussi être difficile à vivre, d'un point de vue religieux.
Je lui ai donc dit "qu'il est normal que vous ne puissiez pas pardonner, tant que vous souffrez de certaines scènes passées". Il n'y a pas à chercher à vouloir le faire ; ce serait se mentir (et mentir à l'autre), ce qui arrive malgré tout chez certaines personnes, qui ont un mental fort. Elles arrivent à croire qu'elles ont pardonné, me le disent en séance, mais il suffit que je les ramène dans une scène douloureuse associée, pour qu'elles constatent qu'émotionnellement (seulement intellectuellement), elles n'ont réellement pas pardonné.
Tout cela pour donner et garder une bonne et belle image de soi, à ses propres yeux, comme aux yeux des autres, surtout quand celle-ci fait défaut à la base.
Mais rien ne vaut mieux que la Vérité et de l'assumer.
